Quand la représentation devient présence.
Ernest Pignon-Ernest, niçois, vit et travaille à Paris. Depuis plus de trente ans il appose des images éphémères sur les murs des cités dans des endroits choisis et les photographie. Il est l’un des précurseurs du «street-art».
« ...au début il y a un lieu, un lieu de vie sur lequel je souhaite travailler. J'essaie d'en comprendre, d'en saisir à la fois tout ce qui s'y voit : l'espace, la lumière, les couleurs... et, dans le même mouvement ce qui ne se voit pas, ne se voit plus : l'histoire, les souvenirs enfouis, la charge symbolique... Dans ce lieu réel saisi ainsi dans sa complexité, je viens inscrire un élément de fiction, une image (le plus souvent d'un corps à l'échelle 1).
Cette insertion vise à la fois à faire du lieu un espace plastique et à en travailler la mémoire, en révéler, perturber, exacerber la symbolique...»
Il aime les oeuvres du Quattrocento italien, Giotto, Fra Angelico, la poésie de Rimbaud, de Baudelaire, de Nerval en particulier le dernier vers de El Desdichado :
«Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron ;
Modulant tout à tout sur la lyre d’Orphée
Les soupirs de la sainte et les cris de la fée.»
Ce dernier vers l’a mené à un dialogue avec de grandes mystiques : Madame Guyon - Marie Madeleine - Hildegarde de Bingen - Angèle de Folignon - Catherine de Sienne - Thérèse d’Âvila et Marie de l’Incarnation (tourangelle)
Pourquoi 7 ?
Il a alors entrepris la lecture des grands mystiques, Ignace de Loyola, Jean de la Croix, ainsi que le Cantique des Cantiques.
«...Comme une quête et un défi, j’ai en imaginant leur portrait, tenté de représenter l’infigurable, cherché comment faire image de chairs qui aspirent à se désincarné, comment exprimer ces contradictions intenses, ces paradoxes spirituels et charnels, ces corps masqués et dévoilés traversés de plaisir et d’angoisse, de désir et de rejet...»
«A travers la lecture de leurs témoignages, j’ai trouvé une grande sensualité chez ces femmes voire une certaine forme de sexualité. J’ai aussi été frappé de leur désir de désincarnation.»
Ces dessins au fusin grandeur nature sont installés au-dessus d’un plan d’eau au coeur du réfectoire plongé dans le noir.
Un miroir d’eau renvoi leur image.
Trois rideaux noirs, une longue ligne rouge symbolise l'amour qui consume ces mystiques.
Ernest Pignon-Ernest les présente sur un support en Dibond®
Le suaire est leur seul vêtement.
Les déchirures et les ondulations représentent les mutilations qu'elles se sont infligées.
Il donne de la chair à ses oeuvres, une présence...
«Je vous offre ma vie, maintenant et quand Catherine de Sienne | «Il tombe d'âbime, de précipice en précipice, jusqu'à ce qu'enfin il tombe dans l'âbime de la mer où, perdant toute figure, il ne se trouve plus jamais, étant devenu la mer même.» Madame Guyon |
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