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5 décembre 2013 4 05 /12 /décembre /2013 10:00
 
Anna Akhmatova - 1913
 

 

J’ai un sourire à peine perceptible,

Rien, un simple mouvement des lèvres.

Ce sourire, je le garde pour toi,

Car il m’a été donné par l’amour.

Peu importe que tu sois insolent et méchant,

Peu importe que tu en aimes d’autres,

L’or de l’autel est toujours devant moi,

Auprès de moi les yeux gris de mon époux.


Nous ne boirons pas dans le même verre

Ni de l’eau ni du vin doux,

Nous n’échangerons pas de baisers le matin,

Et le soir nous ne serons pas ensemble à la fenêtre.

Ton signe est le soleil ; le mien, la lune ;

Mais nous vivons d’un seul amour.


 

La vraie tendresse, on ne peut la confondre

Avec rien d’autre. Elle est calme.

Tu prends soin d’entourer de fourrures

Mes épaules, ma poitrine. Tu as tort.

Tu as tort de prononcer des mots dociles,

De parler d’un premier amour.

Je connais bien ces regards,

Insistants, jamais repus, tes regards


Sous le toit gelé de la maison vide,

Je ne compte plus les jours mortels.

Je lis les épîtres de l’Apôtre,

Et les paroles du Psalmiste.

Les étoiles sont bleues, duveteux le givre,

Toujours plus merveilleuses les rencontres,

Une feuille d’érable rouge dans ma Bible

Marque le Cantique des cantiques

 



Velimir Khiebnikov - 1913
 

Les nombres


Quand meurent les étalons - ils soufflent, 

quand meurent les herbes - elles se dechèssent,

quand meurent les soleils - ils s’éteignent,

quand meurent les hommes - on chante des chansons.

 

Sombre


Quand j’en aurai assez de moi

je me jetterai dans le soleil doré,

l’aile bruissante je revêtirai,

le mêlerai le vice et le sacré.

Je suis mort, je suis mort et le sang a coulé

sur l’armure en large torrent.

Je reviens à moi, différent, vous toisant

à nouveau du regard de guerrier.

 

 



Marina Tsvetaeva - 1923
 

 

Etourdis-moi, esquif étoilé,

De ces vagues ma tête est lassée.

J’ai cherché un rivage vainement,

Ma tête est lasse des sentiments.

 

 

Hymnes, lauriers, hydres, preux,

Ma tête est lasse de ces jeux.

 

Déposez-moi sur l’herbe, les aiguilles de pins,

Ma tête est lasse des guerres sans fin.


Toi qui m’a aimée d’un amour

Faussement vrai, sincèrement menteur

Toi qui m’a aimée, plus loin

Que l’espace ne s’étend, toutes frontières dépassées.

 

Toi qui m’a aimée plus que ne dure

Le temps. Le bras se lève.

Tu ne m’aime plus.

En cinq mot la vérité

 


Boris Pasternak - 1917

            
 

 

 

Définition de la poésie

 

C’est un chant qui s’enfle et qui monte,

Le claquement de glaçons écrasés,

C’est le froid de la nuit sur les feuilles,

Ce sont deux rossignols qui s’affrontent.

 

Ce sont les pois suaves d’une rame abandonnée,

Les larmes de l’univers dans les cosses,

Figaro qui s’abat sur le potager

En grêlons du pupitre et des flûtes.

 

C’est cela qu’à tout prix la nuit veut retrouver

Dans les fonds ténébreux des baignades

Pour porter une étoile jusqu’au vivier

Dans ses paumes mouillées, frissonnantes.

 

On étouffe, plus plat que les planches sur l’eau,

Et le ciel est enfoui sous les aunes,

Il siérait aux étoiles de rire aux éclats,

Mais dites, quel trou perdu que ce monde !


 

                    
     

 

Fin du voyage...

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