Anna Akhmatova - 1913 |
J’ai un sourire à peine perceptible, Rien, un simple mouvement des lèvres. Ce sourire, je le garde pour toi, Car il m’a été donné par l’amour. Peu importe que tu sois insolent et méchant, Peu importe que tu en aimes d’autres, L’or de l’autel est toujours devant moi, Auprès de moi les yeux gris de mon époux. | Nous ne boirons pas dans le même verre Ni de l’eau ni du vin doux, Nous n’échangerons pas de baisers le matin, Et le soir nous ne serons pas ensemble à la fenêtre. Ton signe est le soleil ; le mien, la lune ; Mais nous vivons d’un seul amour. |
La vraie tendresse, on ne peut la confondre Avec rien d’autre. Elle est calme. Tu prends soin d’entourer de fourrures Mes épaules, ma poitrine. Tu as tort. Tu as tort de prononcer des mots dociles, De parler d’un premier amour. Je connais bien ces regards, Insistants, jamais repus, tes regards | Sous le toit gelé de la maison vide, Je ne compte plus les jours mortels. Je lis les épîtres de l’Apôtre, Et les paroles du Psalmiste. Les étoiles sont bleues, duveteux le givre, Toujours plus merveilleuses les rencontres, Une feuille d’érable rouge dans ma Bible Marque le Cantique des cantiques |
Velimir Khiebnikov - 1913 |
Les nombres quand meurent les herbes - elles se dechèssent, quand meurent les soleils - ils s’éteignent, quand meurent les hommes - on chante des chansons. |
Sombre je me jetterai dans le soleil doré, l’aile bruissante je revêtirai, le mêlerai le vice et le sacré. Je suis mort, je suis mort et le sang a coulé sur l’armure en large torrent. Je reviens à moi, différent, vous toisant à nouveau du regard de guerrier.
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Marina Tsvetaeva - 1923 |
Etourdis-moi, esquif étoilé, De ces vagues ma tête est lassée. J’ai cherché un rivage vainement, Ma tête est lasse des sentiments.
Hymnes, lauriers, hydres, preux, Ma tête est lasse de ces jeux.
Déposez-moi sur l’herbe, les aiguilles de pins, Ma tête est lasse des guerres sans fin. | Toi qui m’a aimée d’un amour Faussement vrai, sincèrement menteur Toi qui m’a aimée, plus loin Que l’espace ne s’étend, toutes frontières dépassées.
Toi qui m’a aimée plus que ne dure Le temps. Le bras se lève. Tu ne m’aime plus. En cinq mot la vérité |
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Définition de la poésie
C’est un chant qui s’enfle et qui monte, Le claquement de glaçons écrasés, C’est le froid de la nuit sur les feuilles, Ce sont deux rossignols qui s’affrontent.
Ce sont les pois suaves d’une rame abandonnée, Les larmes de l’univers dans les cosses, Figaro qui s’abat sur le potager En grêlons du pupitre et des flûtes.
C’est cela qu’à tout prix la nuit veut retrouver Dans les fonds ténébreux des baignades Pour porter une étoile jusqu’au vivier Dans ses paumes mouillées, frissonnantes.
On étouffe, plus plat que les planches sur l’eau, Et le ciel est enfoui sous les aunes, Il siérait aux étoiles de rire aux éclats, Mais dites, quel trou perdu que ce monde !
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Fin du voyage...