Les riens charmants de la vie
Picasso est l’hoir de tous les grands artistes et, soudain éveillé à la vie, il s’engage dans une direction que l’on a pas encore prise. Il change de direction, revient sur ses pas, repart d’un pas plus ferme, grandissant sans cesse, se fortifiant au contact de la nature inconnue ou par l’épreuve de la comparaison avec ses pairs du passé.
Il a grandement étendu le domaine de l’art et dans les directions les plus inattendues, là même où s’agite la surprise comme un lapin d’ouate qui bat le tambour au milieu du chemin..
Apollinaire - Chroniques d’art 1902-1918.
Picasso ne plagie pas les maîtres : il s'approprie leurs toiles et les réinvente.
Picasso a «dialogué» avec les maîtres du passé. Il a analysé, il a «pensé» et en a fait autre chose.
Les femmes d’Alger Eugène Delacroix - Pablo Picasso Les femmes d’Alger (version A)
D’une scène d’intérieur secrète et langoureuse, il fait une scène dynamique d’un érotisme joyeux. Elles vont de la ressemblance fortuite de Jacqueline, sa nouvelle compagne assise de profil au mythe de l’orientalisme voluptueux
Le déjeuner sur l’herbe - Edouard Manet - Déjeuner sur l’herbe - Pablo Picasso - Le déjeuner sur l’herbe d’après Manet
Il respecte la positon des personnages mais il supprime l’un des deux hommes pour mettre l’accent sur la relation entre le causeur à droite et la femme monumentale à gauche.
Gustave Courbet - Les demoiselles des bords de la Seine et Pablo Picasso Les demoiselles des bords de la Seine d’après Courbet
Il ne retient que la bande frôlant le jupon au premier plan jusqu'aux premières feuilles de l’arbre comblant le fond.
Francisco de Goya - Maja nue
«Je veux Dire le nu. Je ne veux pas faire un nu comme un nu. Je veux seulement Dire sein, Dire pied, Dire main, ventre.Trouver le moyen de le Dire, et ça suffit. Je ne veux pas peindre le nu de la tête aux pieds. Mais arriver à Dire. Voila ce que je veux. Un seul mot suffit quand on parle.Ici, un seul regard, et le nu te dit ce qu’il est, sans phrase. Pablo Picasso
On a dit de Picasso que ses œuvres témoignaient d'un désenchantement précoces.
Je pense le contraire.
Tout l'enchante et son talent incontestable me paraît au service d'une fantaisie qui mêle justement le délicieux et l'horrible, l'abject et le délicat.
Apollinaire - Chroniques d’art 1902-1918.