Boris Vian (1920 – 1959) - Le déserteur

Il est connu comme un artiste aux multiples talents : Ingénieur de l’École Centrale, écrivain provocateur, poète, chanteur, critique et un grand trompettiste de jazz.

La haine de la guerre revient souvent dans l’œuvre de Boris Vian : haine de la mort absurde, pour des conflits d'intérêts et de pouvoirs qui dépassent ceux qui s’y font tuer.
En 1955, Mouloudji chante le Déserteur.

Paul Faber, conseillé municipal, s’élève contre cette atteinte aux valeurs françaises et à l’honneur des anciens combattants.
Boris Vian répondit dans une lettre ouverte adressée à France Dimanche : le Déserteur

Monsieur le Président
Je vous fais une lettre

Que vous lirez peut-être

Si vous avez le temps

Je viens de recevoir

Mes papiers militaires

Pour partir à la guerre

Avant mercredi soir

Monsieur le Président
Je vous fais une lettre

Que vous lirez peut-être

Si vous avez le temps

Je viens de recevoir

Mes papiers militaires

Pour partir à la guerre

Avant mercredi soir

Monsieur le Président

Je ne veux pas la faire

Je ne suis pas sur terre

Pour tuer des pauvres gens

C’est pas pour vous fâcher

Il faut que je vous dise

Ma décision est prise

Je m’en vais déserter

Depuis que je suis né

J’ai vu mourir mon père

J’ai vu partir mes frères

Et pleurer mes enfants

Ma mère a tant souffert

Qu’elle est dedans sa tombe

Et se moque des bombes

Et se moque des vers

Quand j’étais prisonnier

On m’a volé ma femme

On m’a volé mon âme

Et tout mon cher passé

Demain de bon matin

Je fermerai ma porte

Au nez des années mortes

J’irai sur les chemins

Je mendierai ma vie

Sur les routes de France

De Bretagne en Provence

Et je dirai aux gens

Refusez d’obéir

Refusez de la faire

N’allez pas à la guerre

Refusez de partir

S’il faut donner son sang

Allez donner le vôtre

Vous êtes bon apôtre

Monsieur le Président

Si vous me poursuivez

Prévenez vos gendarmes

Que je n’aurai pas d’armes

Et qu’ils pourront tirer

«Je me demande si je ne suis pas en train de jouer avec les mots. Et si les mots étaient faits pour ça ?»